Parasites
Livre d’artiste
2020




Parasites est un polylogue* à 52 voix.
Chacun discute la notion de parasite et parasitisme.
Parasites est un livre composé, aucune phrase n’a été écrite par l’auteur. Il y a 52 contributeurs.

Dialogue engageant de nombreux locuteurs effectifs ou potentiels, comme un forum de discussion sur le Web. 

Dans ce livre d’artiste, je m’intéresse à ce qui nous fait. Je m’y suis intéressée à travers l’image du parasite, qu’on appelle aussi commensal, en biologie. La notion de parasite me plait dans le champs poético-symbolique qu’elle invoque (le parasite habite un hôte, se déplace selon son hôte pendant le temps où il l’habite, se nourrit avec lui). Il existe une proxémie avec le mot commensal, cependant « commensal » a gardé la notion de « compagnon », lorsque parasite a pris la connotation de celui qui fait du mal, pompe, détruit, abime, brouille. Car le mot s’est étendu par son emploi imagé : parasites sociaux, signaux parasites, le verbe parasiter qui signifie attaquer, endommager, altérer, perturber. Ce qui m’intéresse également dans cette notion c’est son utilisation par le politique : qui cherche-t-on à mettre derrière cette catégorie?

Le terme «parasite» apparait d’abord pour désigner des humains dès l’Antiquité grecque, son sens biologique n’apparaît qu’au 18ème siècle. Il est intéressant de voir comment la notion à évolué pour comprendre le passage d’une acception neutre, voire positive du terme, vers une connotation dépréciative. Jusqu’aux 18ème siècle, le terme parasite ne s’applique donc qu’aux hommes.

En Grèce Antique le parasite était le nom officiel des assistants d’un
prêtre, qui prenaient soin des provisions des dieux et qui était invité à prendre part aux repas communs. Le mot est par la suite étendus aux personnes qui recherchaient les repas publics au Prytanée (siège des magistrats de la démocratie athénienne) où les repas, offert par l’Etat aux magistrats, conviaient aussi des citoyens honorés par la cité en tant que grands bienfaiteurs, ou des citoyens particulièrement méritants comme les Olympioniques. On désignait par la suite les parasites ceux présents aux tables bien servies chez les riches, en échange de divertissement et de pitreries. Ce « parasite » là a été régulièrement mis en scène dans les théâtres antiques. Le terme évolue ensuite vers une signification biologique, désignant un «organisme animal ou végétal qui, pendant une partie ou la totalité de son existence, se nourrit de substances produites par un autre être vivant sur lequel ou dans les tissus duquel il vit ».

Les questions du mode d’écriture et des formes de langage sont au centre de cette recherche : Comment créer une forme parasite ? Comment attaquer, parasiter le langage, le texte, le papier ? Comment traduire cette notion d’échelle qu’implique l’image du parasite ? Parasite est un texte travaillant sans cesse ces sauts de sens autour de ce terme parasite, des figures du parasite, et des enjeux auxquels il touche : grand/ petit, richesse/pauvreté, table/repas, art du discours, de la débrouille, habiter l’autre, s’en nourrir, parasite et symbiose, la coopération des espèces, la solidarité humaine, etc.
Dans en même temps, la forme du texte et son processus de composition posent la question suivante : qui détient le savoir ?

A la frontière entre la notion de plagiat et la citation, Parasites remet en question l’idée d’autorité de l’auteur. Dans l’encrage de “l’écriture sans écriture” de Kenneth Goldsmith, le livre questionne les données, le langage et les contributeurs·trices que l’on peut trouver sur internet.

Les 52 contributeurs·trices sont des bloggeurs·euses, des écrivain·e·s, des scientifiques, des journalistes, des auteur·trices de récits de vie, des anonymes, des personnages de théâtre, des commentateurs·trices sur le net, des sites, des chanteurs·teuses ou groupes de musiques, etc. Dans le corpus, seul leur «prénom» est cité. Le livre «Qui est quoi ?» donne plus d’informations sur ces locuteurs : leur “biographie” est reportée, selon un protocole que je me suis imposée, et qui m’a permis de retranscrire ce qu’on pouvait trouver comme données sur le net sur tel ou tel locuteur.